J’avais dix ans, j’étais petit, brun et rond ; il était grand, blond et mince et je voulais être lui. Je vouslais son vélo, son allure, sa nonchalance, son élégance. J’avais trouvé en même temps mon modèle et mon contraire.
Jacques Anquetil a traversé mon enfance cycliste comme une majestueuse caravelle. Il était le plus beau cycliste possible. Je l’ai suivi, je l’ai admiré sans jamais chercher à le comprendre, ajoutant du mystère à son mystère. Il avait l’âme complexe, ses motivations étaient contradictoires, son élégance tranchait dans le peloton, sa vie de château sentait le parfum et la poudre.
Mais ce cycliste de génie aimait-il vraiment le vélo ?
extrait de Anquetil tout seul de Paul Fournel, éditions du Seuil