Pense-Bêtes, le rappel du vivant
Regards extérieurs . Maxence Rey . Thomas Laroppe
Textes . Jean Paul Curnier, Valérie Rouzeau, Christophe Bonzom, Hélène Lanscotte, Baptiste Morizot, Fabienne Raphoz, Jacques Rebotier, Rainer Maria Rilke, Jean-Christophe Bailly, Christophe Tarkos
1 heure
À l’animal, vous y pensez ? Un peu, beaucoup, passionnément… pas du tout ? En le mangeant ? En le voyant ? Vous surprend-il ? La dernière fois que vous l’avez admiré vivant, qu’il vous a surpris, c’était quand ?
Ici, des humains sans animaux. Là, des animaux sans humains. La vie devient mal faite. Pourtant la vie, c’est eux ET nous.
Alors plus que jamais, il est temps de les évoquer à la mesure de leur présence, de les approcher à pas sensibles, ces bêtes, de les célébrer afin de réanimer notre attention à l’autre vivant.
Face à face, côte à côte, aux aguets du raisonnement de l’un et de l’autre, c’est à une joute critique que se livrent deux orateurs, questionnant notre expérience de Nature et la crise de la sensibilité que nous traversons.
PENSE-BÊTES, LE RAPPEL DU VIVANT est une conférence qui interroge la nature du lien qu’entretient l’Homme contemporain avec le monde animal. Elle met en exergue leur nécessaire coexistence, affirme le sensible comme territoire partagé. Pour ce faire, deux orateurs, tantôt conférenciers, tantôt performeurs-lecteurs choisissent d’articuler à leurs témoignages les propos contrastés de philosophes, scientifiques, poètes, essayistes et romanciers.
La scénographie est très simple, minimale. Les conférenciers détournent des paperboards, outil de référence et symbole de l’entreprise. Durant les 60 minutes de la représentation, ces objets-outils participent au jeu de répons, se transforment selon les situations qu’imposent la lecture ou le jeu des textes, tantôt en planche à dessin ou mantra ornithologique, tantôt en cible de tir ou support de liste d’extinctions, et bien sûr pour finir, en Pense-Bêtes géant.
Car avec cette création, il s’agit bien encore et toujours d’alerter, d’affirmer une responsabilité et un engagement face au déséquilibre environnemental.
© : DP
Si tu manges le léopard tu deviendras le léopard que tu es, si tu manges la gazelle tu deviendras le lion que tu es, si tu manges le léopard tu deviendras le tigre que tu es.
C. Tarkos in Pan édition P.O.L.
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CRITIQUE (extrait)
Deux éminents colibris élancés orateurs se sont donné le mot pour chorégraphier la langue « et pour cause » fabriquer une conférence-toison qui ne sied qu’à leur complicité redoutable.
Hélène Lanscotte et Christophe Bonzom prêtent leur ingéniosité de ton, la gravité de leur présence, l’élégance dans l’éloquence poète à la plaidoirie animale.
Le duo délie les mots, leur richesse étymologique à une allure imprédictible à l’ouïe, annonçant toutefois le futur sans équivoque, la disparition des bêtes, du vivant au trépas.
Alternent en cadence teintes et manœuvres pour étaler la couleur, maintenant ferme, en porte-parole de ces colocataires rescapés de l’Arche au silence contrit, leur sensibilité tue.
Cafardent d’un commun regard perdu sinon mercenaire, ciblant ses congénères spectateurs attentifs aux énumérations sifflotées, accentuées par une petite caissette musicale portative qui se déplace sur scène, on/off.
La fureur supplée l’effarement quand l’une ou l’autre s’emporte, de rares moments où l’humour et l’insolence, cette énergie incroyable nous saute à la gueule, celle-là que d’autres êtres tout aussi raréfiés – presque légendaires – , ne peuvent toujours pas débrider pour asséner : « Au loup ! »
Natacha GUILLER . Artiste plasticienne écrivain poète performeuse