Van Gogh ou le suicidé de la société
Antonin Artaud donne ici un portrait visionnaire de Van Gogh. Il y démontre comment la lucidité supérieure du peintre gênait la conscience des gens ordinaires et que c’est pour cela qu’elle le désignait fou. Artaud fait de la violence de Van Gogh la réponse à l’obscénité haineuse du monde et des psychiatres, de sa folie, une réponse de l’âme à l’imbécillité universelle.
Je vois à l’heure où j’écris ces lignes, le visage rouge sanglant du peintre venir à moi, dans une muraille de tournesols éventrés, dans un formidable embrasement d’escarbilles d’hyacinthe opaque et d’herbages de lapis-lazuli. Tout cela, au milieu d’un bombardement comme météorique d’atomes qui se feraient voir grain à grain, preuve que Van Gogh a pensé ses toiles comme un peintre, certes, et uniquement comme un peintre, mais qui serait, par le fait même, un formidable musicien.
Antonin Artaud